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Rencontre avec Thomas PESQUET


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Lors du Salon de la Photo en octobre 2022, Nikon a organisé une conférence exceptionnelle « Trois regards, une seule planète », avec Thomas Pesquet, Vincent Munier et Laurent Ballesta. Thomas Pesquet est également venu présenter son nouveau livre « LA Terre entre nos mains », sorti en novembre (coédition Flammarion/ESA). L’intégralité de la conférence est disponible sur la chaîne YouTube de Nikon France.

Une rencontre avec des journalistes a précédé la conférence Nikon. Marie-Emilie Colle était invité à l’événement et a rencontré l’astronaute Thomas Pesquet. Vous pouvez également retrouver l’échange très riche entre les trois hommes dans Image & Nature n°126, qui vient de paraître et disponible sur notre site Internet.

Quelle place a eu la photo lors de votre mission à bord de la Station spatiale internationale en 2021 ?

Thomas Pesquet : J'ai eu la chance d'avoir un point de vue magnifique sur la Terre que j'ai essayé, tant bien que mal, de retranscrire. La photo n'était pas un challenge pour moi, c'est venu sur le tard, mais je me suis pris au jeu. Je partageais le résultat sur les réseaux sociaux et au fil du temps, j'en suis venu à faire en sorte que mes photos ne soient pas complètement ratées. Mais je suis un photographe du dimanche, contrairement à mes deux collègues autour de moi, Vincent Munier et Laurent Ballesta !

Preuve que le jeu en valait la chandelle, aujourd’hui, vous avez choisi d'en faire un livre « La Terre entre nos mains », pour témoigner de la planète vue de l'espace.

Thomas Pesquet : La Terre est à la fois magnifique et belle, mais d'un autre côté aussi inquiétante, c’est pourquoi on a choisi de ne pas faire qu’un livre de photos esthétiques. Des légendes détaillées permettent d’apprendre plein de choses. C'est en ça, je pense, qu'on se rejoint aussi un petit peu avec Vincent et Laurent : l’image est un support pour faire passer un message, on n'a pas juste envie de montrer une belle photo. La Terre est belle, certes, mais elle est aussi fragile, menacée, détruite… Donc pour ce livre, on a beaucoup travaillé sur ce qu'on voulait montrer et ce que qu'on voulait que les gens retiennent. On a fait appel à des experts pour que l’on comprenne ce qui se passe derrière l’image. L’objectif à la lecture de ce livre est d'en ressortir un petit peu plus conscient, un petit peu plus amoureux de la planète.

Est-ce que vous avez une culture photographique ?

Thomas Pesquet : Je n'ai pas de culture photographique familiale proprement dit, je me rappelle seulement qu'avec mon frère et ma mère, qu’on se moquait gentiment des vocations artistiques de mon père qui était très amateur dans sa pratique... Encore une fois, je suis un photographe du dimanche, je m’y suis mis parce que j'ai eu cette chance d'être dans la Station spatiale… Je suis vraiment honoré et intimidé aussi d’être entouré de Vincent Munier et Laurent Ballesta, précisément parce que ce n'est pas mon monde et que je ne suis pas professionnel comme eux.

Avez-vous pris du plaisir quand vous étiez là-haut, avec ce matériel en main ? Quand vous avez commencé les photos et vous êtes-vous rendu compte que vous alliez pouvoir les exploiter, les partager ?

Thomas Pesquet : Ça n’a pas été un chemin forcément facile. En photo spatiale, il y a une courbe de progression : au début, tu te mets en mode automatique et tu appuies sur le bouton en regardant par la fenêtre. Et forcément, tu arrives à sortir quelque chose d’à peu près bien, que les gens n'ont pas l'habitude de voir évidemment ! Mais ça ne fonctionne que les jours où il n'y a pas trop de réflexion, pas trop de contraste, etc. Donc très très vite, tu te rends compte que si tu veux faire passer un message et montrer aux gens ce qu’on voit de là-haut, ça devient tout de suite très compliqué et il faut vraiment s'intéresser à la technique... Donc, c'est du plaisir oui mais aussi beaucoup de boulot : 245 000 photos, 240 000 ratées, je pense, donc 5000 exploitables et 300 finalement dans le livre… Si on regarde le pourcentage de réussite, ce n'est pas exceptionnel !
Je ne vais pas vous dire qu’une passion est née, c'est un peu grand, mais je me suis pris au jeu bien plus que mes collègues, par exemple – et ce n’était pas une compétition pour autant –, mais c'est devenu mon loisir !

Y a t-il eu un élément déclencheur ?

Non, il n’y en a pas eu vraiment eu. Sauf qu’au début, j'étais vraiment mauvais… Quand tu regardes le spectacle, qui est dingue, et que ta photo est nulle, tu te dis qu'il faut faire quelque chose et surtout progresser...

Est-ce que c'est plus simple, justement, quand on tourne toujours autour de son sujet ?

Le problème c'est que le plan de notre orbite est fixe dans l'espace alors que la Terre, elle, tourne. Donc à chaque tour de la terre, de 360° par 24 heures, soit 17,5° par heure, l’orientation change légèrement et tu ne survoles pas vraiment le même endroit, il n'y a donc pas de prédictibilité. Je ne pouvais pas aller la chercher ma cible, c'était donc beaucoup de photos d'opportunité. Heureusement, il y a toujours une vue qui va captiver l'oeil et c'est mieux, finalement, car on est attentif à tout.

Comment ça passe concrètement : est-ce que vous faisiez du repérage d’un tour à l’autre ?

Ce qui est intéressant lors des missions dans la Station spatiale, c'est qu'au bout de quelques mois, on connaît la planète quasiment par cœur, c'est-à-dire qu'on peut, grâce aux couleurs et aux formes, savoir exactement où on est, sans carte ou géolocalisation. De là-haut, on a une variété de paysages qui est absolument injuste, je me sens complètement privilégié et un peu imposteur d'être là, entouré de grands photographes, parce que moi, ma seule valeur ajoutée, c'est d'avoir été là-haut et d'avoir regardé à la fenêtre. Dès lors, on se dit qu'il faut essayer d'en ramener quelque chose, même si ce n'est jamais aussi bien que la réalité… Mais ça, je pense qu'on a tous les trois le même problème.

Est-ce que vous étiez le seul à faire de la photo à bord de l’ISS ?
La différence, avec Laurent et Vincent, c'est que je ne suis pas allé là-haut pour la photo ! C'était 12h30 de boulot tous les jours et la photo quand on a le temps… Faire des photos de paysage, ça ne faisait pas partie de la mission. À quelques exceptions près, car on a des cours de photo avant de partir dans la Station spatiale, au cas où on doive faire une photo correcte d’un événement particulier, c'est vraiment de la photo opérationnelle. La seule exception où la photo de la Terre est requise, c'est lors d'une catastrophe naturelle ou un phénomène météo exceptionnel. Il existe une charte entre les agences spatiales, qui font que ça peut nous amener à prendre des photos. Tout le reste, c’est sur notre temps libre, donc chacun en prend plus ou moins.

Quels sont vos projets désormais ?

Mon projet ce serait d'aller sur la Lune. On y travaille avec les différentes agences spatiales, et l'ESA mon employeur en fait partie. Pour la photographie, ça va être un peu moins chouette parce que la Lune c'est quand même beaucoup de gris sur fond noir, mais ce sera quand même une aventure qui vaudra le coup d'être documentée. Je dis ça comme si j'allais y aller, comme si c'était fait, mais non, il reste quand même pas mal d'étapes et ça va bien m’occuper dans les années qui viennent, en tout cas si j'ai la chance d'y aller ou un.e de mes camarades à la chance d'y aller. J'espère qu'on rapportera quelques clichés de la Terre parce que, croyez moi, la Lune, c'est un super point de vue pour prendre des photos de la Terre.


La Terre entre nos mains, de Thomas Pesquet, éditions Flammarion/ESA, 416 pages, 39 €. Les droits d’auteur de cette ouvrage sont reversés aux Restos du Cœur. Cet ouvrage composé des photos prises par Thomas Pesquet au cours de sa seconde mission à bord de l’ISS donne à voir la Terre d’un point de vue inaccessible à la plupart d’entre nous. Les informations techniques de prises de vue ainsi que le matériel utilisé pour chaque photo sont décrits à la fin du livre.

Mers, fleuves, îles, déserts, montagnes, villes… D’avril à novembre 2021, l’astronaute Thomas Pesquet a photographié depuis la Station spatiale internationale notre planète sous toutes ses facettes. Des clichés spectaculaires et fascinants de la mission Alpha, pour la première fois réunis dans un livre, qui nous font prendre conscience de la fragilité de la Terre et de l’absolue nécessité de la protéger.

Envoyé pour la deuxième fois en mission par l’Agence spatiale européenne (ESA), Thomas Pesquet aura passé 200 jours dans l’espace, au cours desquels il a effectué 4 sorties dans le vide du cosmos et pris part à plus de 200 expériences scientifiques, dont certaines préparent les futures missions vers la Lune et Mars. Il fut à cette occasion le premier commandant français de la Station spatiale internationale.

 


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