Enregistré le: 16 Novembre 2009, 14:14 Messages: 3138 Localisation: Région de Bordeaux
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Chers amis, Une année a passé, et une autre commence. C’est une chance. Voici venu le temps de se pencher sur un récent passé. C’est le temps des souvenirs, également du partage, et des espoirs aussi. Cet exercice difficile se complique au fil des ans. La faute en revient aux talents émergents, ou à d’autres, plus anciens, qui se confirment. Il faut bien se lancer, tel un jeune guillemot, poussé de la falaise par l’un de ses parents et guidé pendant ce tout premier vol haut de 800 mètres pour corriger sa trajectoire, lui éviter de tomber sur la terre, droit dans le bec d’un goéland prédateur ou d’un jeune renard arctique. En passant, voici encore un merveilleux spectacle et un riche enseignement de la Nature. Pour moi, 2015 fut une année comme je les aime, sans problèmes majeurs, et qui s’est achevée par deux petits coups de cœur venant de ce forum avec le bandeau accordé à ma bécassine vespérale et un aimable Prix Goncourt. C’est très bon pour le moral. Je ne dérogerai pas à mes coutumes en vous parlant de cet être si charmant et si beau : l’oiseau. Il m’a encore appris beaucoup. Voici comment j’ai vécu cette année, globalement fastueuse. JANVIER Il est de coutume, pour ce mois, de nous offrir nuages et pluie. Son ancien nom de Pluviôse n’était pas usurpé, si j’en crois l’expérience de nos anciens. C’est donc en râlant que j’ai entamé l’année, d’autant plus que d’autres contraintes m’ont limité à une unique sortie. Mais j’ai râlé avec le sourire en rencontrant déjà, pendant plus d’une large demi-heure celui dont c’est le nom. Il m’a montré, une fois encore, qu’il est très bon nageur. Et aussi qu’il peut, aussi bien qu’un canard, plonger la tête sous l’eau pour dénicher des proies cachées et, ensuite, rentrer à la maison, avec ces grandes enjambées qu’il affectionne. Je ne savais pas encore que je le reverrai au printemps, puis encore à l’automne et un peu en hiver. Il a été très généreux, mon ami le râle, et est devenu, en 2015, l’oiseau des quatre saisons.1 _ L’oiseau des quatre saisons FEVRIER 2 – Une petite oie venue du froid Ce mois fût plus celui des retrouvailles, car j’avais sollicité un rendez-vous avec ces petites oies qui nous viennent du froid. Entre marées trop basses et nuages pervers, il n’était pas si facile d’avoir un entretien. Mais on rêve toujours, et, un bien beau lendemain, le soleil ouvre la porte. Joyeuses, les bernaches m’ont étonné, en bien. Les étrennes n’étaient plus qu’un souvenir mais elles m’ont fait l’un des plus beaux cadeaux de cette année. J’allais partir lorsqu’elles sont arrivées, nombreuses, familières, et sont venues assez près, ne se souciant pas plus de cet humain assis que de la guigne qu’elles n’ont jamais mangée. A l’heure à laquelle j’écris ces lignes, j’en ai encore le cœur battant et je ne pense plus qu’à la prochaine marée..MARS Le voici le printemps. Il a fait cette année, dans le genre assez terne. Et ce n’est pas la première fois. Une mauvaise note qui vaut avertissement dans son carnet de notes. Que cela ne se reproduise pas ! L’oie cendrée ne semblait pas être contrariée plus que cela et, au premier rayon de soleil, a bien voulu prendre son bain. Sait-elle que c’est un moment que j’affectionne ou est-elle de mèche avec Jacques pour faire remonter son fil sur ce sujet ?.3 – Le bain de l’oie AVRIL Penaud, le printemps s’est levé enfin. Redoutant les sanctions, c’est probable, il a mis doubles les bouchées, et je lui ai pardonné. Bonjour les hirondelles, les échasses, les avocettes, le combattant qui danse, le traquet, les fauvettes, les pouillots, le pipit, et les bécasseaux. Où donner de la tête ou des lentilles ? Un fameux spectacle, avec sons et lumières. Les mouettes rieuses ne cessaient de s’accoupler, tandis qu’un bécasseau minute agressait « sauvagement » son cousin le variable. Le milan était lointain. Un bien vilain coup de vent avait fait chuter la branche où reposait son nid. Vexé, il ne se montrait plus guère sur son célèbre piquet. Mais un jour, voyant ma mine contrite, il a eu l’idée géniale de faire un saut, pas un bond, à proprement parler, mais un saut, juste pour changer de branche. Les échasses, elles, semblaient vouloir fonder une famille nombreuse, si l’on peut en juger par la fréquence de leurs accouplements. Elles ont montré à qui voulait le savoir, qu’elles peuvent s’unir parfois sur la terre ferme, ont montré leur marche nuptiale et puis ont renouvelé ce câlin inoubliable qui m’est, forcément, resté en mémoire..4 – Changement de branche 5 – La tendresse éternelle MAI Le festin d’images, d’observations et de découvertes des petits secrets qui se dissimulent sous les plumes a continué. Cette fois, le printemps a obtenu une très bonne note, et même que l’avertissement soit effacé de son carnet. Les avocettes, bien présentes, ont célébré leurs noces, malheureusement dans la grisaille car, malgré tout, il y a eu quelques pannes de lumière. Elles aussi croisent les becs à la fin de l’union. C’est le mois des œufs et des espoirs. Même celui des enfants chez le râle. Mais ces charmantes petites boules noires sont encore plus méfiantes que leurs parents. Petit chagrin. Deux œufs tombent à l’eau, pour cause de maladresse. Comment choisir ? Deux acteurs se sont présentés à la fin du casting. Le tadorne qui montre bien son aspect querelleur, avec, parfois, des batailles assez rudes ou de belles envolées. Et son « amie » l’échasse qui sait bien le mettre en fuite, malgré la différence de taille et de poids. Elle m’a ainsi offert l’image dont je rêvais depuis plusieurs années..6 – Envolée « lyrique » ? 7 – Vade retro JUIN Dès les premiers jours du mois, le spectacle prend fin. Le temps seulement d’immortaliser deux jeunes mouettes qui, sans attendre, montrent bien qu’elles sont déjà crieuses. Et puis, c’est le silence. On est un peu désemparé après toutes ces clameurs, en regardant les ilots et les plans d’eau subitement déserts. Pour le boitier, c’est le temps des vacances. Les oiseaux sont partis, les touristes arrivent. Cette année, les guêpiers sont absents de leurs anciens terriers, une fois encore transformés. Il n’est plus que d’attendre l’automne..8 – Si jeunes, déjà crieuses SEPTEMBRE L’automne est revenu. Le niveau d’eau est bas et les feuilles encore vertes. Mon jeune ami le vanneau a bien grandi depuis le début de l’été. Sa huppe est élégante, bien fournie. Le râle est là, bien présent dans les salicornes déjà rouges. La bergeronnette grise prend son bain en profitant de ces ondes encore si peu profondes et s’envole, pleine de joie, vers un avenir encore inconnu. Je pense à un poème qui parlerait de son regard, de ses ailes, de ces nouvelles saisons et tout simplement de la vie d’un tout petit oiseau. L’hiver y pourvoira, me dis-je. Profite du temps qui passe. Un joli traquet s’arrête quelques instants. Comment ne pas songer à ces si grands voyages qui constituent son ordinaire. Extraordinaire serait plutôt le mot pour nous, faibles humains rêveurs. Mais c’est d’un mangeur de sauterelles dont je me souviens le plus. Un ami de bien plus de 30 ans ! Il s’approche, pour une fois, et profite d’une fauche récente pour changer son menu, plus souvent composé de mulots, voire de campagnols. Quel œil et quelle vitesse ! Et quelle précision ! Si j’étais un oiseau… Je lui tendrais, à coup sûr, une patte amicale. Il se perche et observe. Sa patience ne connaît pas plus de frontières que les mauvaises idées. Mais il s’envole souvent, et nous offre l’un de ces petits bonheurs qui peuvent sembler banals mais qui, souvent, ont une richesse profonde. Avec, de plus, un regard amical. Comme s’il pouvait savoir… Mais il sait, sachez-le ! Rien n’échappe à sa vue, et, même si d’aucuns pourraient penser le contraire, il est intelligent..9 _ Merci, ami faucon ! OCTOBRE Le festin recommence. Cet automne devient gargantuesque. La nature est en fête. Le temps est si beau. L’hiver semble encore loin, l’eau est bien douce. C’est l’heure du bain. Abondance de biens ne saurait nuire dit-on… A l’heure du choix, les choses se compliquent. Comment trancher entre tous ces souvenirs merveilleux. J’ai vu aussi passer les oies sauvages qui m’ont judicieusement rappelé que la migration est en marche. La bécassine, le vanneau, les barges, l’aigrette et le busard. Merci au Grand Architecte (dont j’ignore et tiens à ignorer le nom) qui, après le big bang, a eu cette si bonne idée de placer sur la route de l’homme tant de beautés. L’homme, pour son bonheur, a besoin du beau. Nulle part il ne trouvera mieux ce qu’il peut espérer que dans la nature encore préservée, parfois grâce à lui, mais trop souvent, encore, malgré lui. C’est un vœu. Que les consciences s’éveillent enfin ! Qu’un animal, un arbre, une fleur, une plume oubliée par le vent soient considérés non seulement comme des amis, mais comme des frères. Que l’homme soit tout simplement heureux de porter le regard vers le ciel, d’en admirer les lumières et de profiter de ces divins cadeaux que d’aucuns pourraient juger très ordinaires mais n’en sont pas moins des signes d’amour qui, pas plus que l’oiseau, ne tombent cependant pas du ciel. Le blanc pur de la colombe, celui de la paix et un spectacle rare..10 – Blanche aigrette NOVEMBRE Les brumes avant le froid qui n’est pas arrivé encore jusqu’à nous. Le calendrier républicain (terme que je préfère à celui de calendrier révolutionnaire car j’aime mieux la république que la violence et le sang) nous l’avait annoncé avec ce joli mot qu’est « Brumaire ». Il restait bien encore un petit peu de pluviôse au début de ce mois plus fréquenté par les nuages que par le soleil. Mais la brume était au rendez-vous lorsque je suis parti un matin rejoindre mon amie Joëlle sur ses terres périgourdines. C’était le tichodrome échelette que nous appelions de nos vœux. Le brouillard matinal, probablement conscient de l’importance de l’enjeu, s’est gentiment éclipsé, juste au moment où je coupais le moteur. Point de Tichodrome à l’horizon. Ce spécialiste des petites migrations verticales craindrait-il le soleil ? La nature est riche heureusement, et dans la haie toute proche, un grand nombre de merles noirs se régalait des baies d’un cotonéaster à la fructification abondante. Un bonheur peut en cacher un autre. A treize heures, les grosses cloches de cette Eglise du XIIème siècle nous ont fait sursauter lors de la collation frugale que nous partagions. Pas bon pour la visite de l’oiseau nous sommes-nous dit. Il aura fallu attendre encore plus d’une heure pour que le héros du jour apparaisse enfin. Pressé, visiblement, il n’avait pas l’humeur aux séances de pause et se tenait à l’ombre. C’est bon pour le physique que de parcourir 30 fois ce chemin très pentu qui serpente autour de l’Eglise. Quelques mauvaises images ont célébré sa visite polie (à peine) qui n’aura duré que 10 minutes. C’est la loi du genre, la règle du jeu. Qu’importe ! Nous avons passé de bons moments et comme le dit la chanson : Faute de Tichodrome, photographie le merle..11 – Jongleries de merlette DECEMBRE Les grues sont installées et leur seule présence suffit à me rappeler que « L’oiseau naquit un jour… » Accueilli chaleureusement dans cette réserve, accompagné de gens courtois, discrets, sous le charme, j’aurai passé des heures trop courtes à 12 mètres de hauteur, moi qui suis sujet au vertige et qui ne l’ai jamais ressenti, pour cette fois. Plutôt si. Car ce spectacle est bien vertigineux, grâce à cet oiseau mythique dont les Grecs anciens croyaient que, la nuit, leur guetteur plaçait dans ses pattes une grosse pierre qui, en cas de néfaste endormissement, ferait assez de bruit dans l’eau pour le rappeler à ses devoirs. Je vais donc vous proposer une image de grues pour terminer ce si plaisant parcours. Eh bien non ! Je vais, moi aussi, y aller de ma surprise. J’ai été le premier à être surpris et ne fût pas le seul ; les oies cendrées ont été littéralement outrées par cette incursion inattendue. Sans mot dire. Car on ne se montre pas facilement insolent avec un ragot de ce genre dont le poids oscille entre 100 et 150 kilos. Le ragot n’est pas toujours une rumeur déplaisante. C’est aussi le nom que l’on donne à un beau sanglier âgé de 2 à 3 ans. Voici la fin de cette balade commune. La nuit est tombée subrepticement. La hulotte a chanté et je dois donc vous quitter..12 – Un ragot
_________________ Qui se rend au pays de l'oiseau y découvre la sagesse, le courage, la beauté et le rêve.
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